Covid-19 et Ephad : La FNAQPA analyse la question des décès en EHPAD pour ses adhérents

A partir des données épidémiologiques officielles et de comparaisons internationales, la FNAQPA dresse le constat d'une France très loin d'être un cas isolé ou encore un pays qui aurait abandonné ses vieux

Publié le 06 mai 2020

« Si la communication grand public quotidienne sur la pandémie Covid-19 est déjà démoralisante et inquiétante, celle sur les décès en EHPAD est carrément traumatisante pour l'ensemble des parties prenantes, à commencer par les résidents eux-mêmes et leurs familles, mais aussi pour l'ensemble des professionnels et de leur entourage. »

Sur la base de ce constat émanant d'échanges avec ses adhérents, la FNAQPA (Fédération Nationale Avenir et Qualité de vie des Personnes Agées) a décidé de fournir à son réseau une note d'analyse sur la question des décès en EHPAD.

A partir des données épidémiologiques officielles et de comparaisons internationales, la FNAQPA dresse le constat d'une France très loin d'être un cas isolé ou encore un pays qui aurait abandonné ses vieux dans des établissements indignes entourés d'une soi-disant omerta.

La FNAQPA, qui n'oublie pas que derrière des statistiques brutales se cachent des drames individuels et familiaux, souhaite aussi rappeler qu'à ce jour, en France, 98% de nos résidents sont bien vivants.

En allant au-delà des chiffres bruts, cette note vise donc à replacer ces chiffres dans un contexte national et international, et à fournir aux adhérents de la Fédération des éléments de langage de nature à nourrir leur propre communication, sincère et transparente, à l'égard de leurs parties prenantes. Elle s'appuie pour cela sur des données factuelles et épidémiologiques, ayant pour sources Santé Publique France, l'INSEE, la DREES sur le plan national, ainsi que l'European Ageing Network et l'International Long-Term-Care Policy Network sur le plan international


DECES DANS LES EHPAD : AU-DELA DES CHIFFRES BRUTS

Note FNAQPA du 05/05/2020

Si la communication grand public quotidienne sur la pandémie Covid-19 est déjà démoralisante et inquiétante, celle sur les décès en EHPAD est carrément traumatisante pour l’ensemble de nos parties prenantes, à commencer par les résidents eux-mêmes et leurs familles, mais aussi pour l’ensemble des professionnels et de leur entourage.

 

La présente note n’a pas pour objet de nier ou minimiser la crise dans les établissements pour personnes âgées et ses impacts sanitaires. On n’oublie pas que derrière des statistiques brutales se cachent des drames individuels et familiaux, et que derrière ces chiffres il y a des Suzanne, des Marie, des Charles qui sont autant de parents et de grands-parents pleurés par leurs familles.

 

Cette note vise modestement à replacer ces chiffres dans un contexte national et international, et à fournir aux adhérents des éléments de langage de nature à nourrir leur propre communication, sincère et transparente, à l’égard de leurs parties prenantes. Elle s’appuie pour cela sur des données factuelles et épidémiologiques, ayant pour sources Santé Publique France, l’INSEE, la DREES sur le plan national, ainsi que l’European Ageing Network et l’International Long-Term-Care Policy Network sur le plan international.

 

LES PERSONNES QUI VIVENT EN EHPAD SONT AGEES ET FRAGILES

 

On a parfois l’impression que la France découvre qu’elle compte environ 7500 maisons de retraite sur tout son territoire, au sein desquels vivent quelques 600.000 personnes âgées, voire très âgées (la moyenne d’âge y est de 87 ans) et vulnérables.

Or, on sait que ce virus est plus particulièrement virulent à l’égard de ces populations, quel que soit leur lieu d’habitation.

 

En France, au 28 avril 2020, 91% des personnes décédées du Covid-19 avaient plus de 65 ans. C’est aussi le cas pour 88% des personnes décédées à l’hôpital. Sachant que quasi 100% de nos résidents ont plus de 65 ans, et qu’il s’agit des personnes parmi les plus fragiles de cette population, les EHPAD ne pouvaient malheureusement pas échapper à la pandémie.

 

LES CHIFFRES SUR LES DECES EN EHPAD

 

Tous les soirs devant les grands médias nationaux, la Direction Générale de la Santé procède au décompte morbide dans les établissements médico-sociaux. Il faut savoir que ce décompte est fourni par Santé Publique France, et que le chiffre avancé embrasse l’ensemble des ESMS (secteurs personnes âgées, en situation de handicap, enfance et autres). Toutefois, on sait que près de 99% de ces décès concernent le secteur personnes âgées. En revanche, ce chiffre recouvre tous les établissements (EHPAD, EHPA, résidences autonomie, résidences séniors), et Santé Publique France ne procède pas à un décompte détaillé. Mais ce décompte vient de nous être fourni par la DGCS suite à un retraitement des données par la DRESS, qui montre que 98% de ces décès concernent effectivement les EHPAD.

 

Ces chiffrent sont les suivants au 27 avril :

  • Nombre de décès en EHPAD : 8630, dont 3993 en Ile de France (46%)
  • Nb de décès de résidents d’EHPAD à l’hôpital : 2807, dont 1085 en Ile de France (39%)
  • Nb de décès total : 11437, dont 5078 en Ile de France (44%)

Ce focus sur l’Ile de France n’a pas pour objet de stigmatiser les EHPAD franciliens au motif qu’ils seraient les mauvais élèves du secteur. C’est parce que l’on sait que l’Ile de France est la région la plus touchée par le virus, pas seulement dans les EHPAD, puisqu’à l’hôpital la région concentre 40% des hospitalisations et des décès. Les établissements franciliens ne sont que le reflet de cette situation générale.

On retrouve cet état de fait sur les remontées de cas confirmés Covid, qui concernent moins de la moitié des établissements à ce jour (47%) sur la plan national, mais plus de 90% des EHPAD franciliens, auxquels nous adressons ici notre profond soutien.

 

MORTALITE ET SURMORTALITE

 

Si l’on dispose de statistiques, assez brutes pour l’instant, sur la mortalité, les données de surmortalité ne seront pas disponibles avant plusieurs semaines, et mériteront une analyse plus fine, sachant que les scientifiques s’accordent sur le fait que c’est l’indicateur d’analyse le plus pertinent. D’autant plus que l’on sait que lors des premières semaines de l’épidémie, à défaut de tests en nombre suffisant, tous les décès étaient comptabilisés Covid, qu’il s’agisse de cas confirmés ou dits « suspects ». Ce qui a pu conduire à comptabiliser des décès en établissement en Covid sans que cela constitue la cause réelle du décès. On ignore dans quelles proportions.

Oui, et là aussi la France semble le découvrir, on meurt dans les EHPAD. Il semble utile de rappeler que, indépendamment de toute pandémie, la France déplore environ 600.000 décès chaque année. 25% d’entre eux ont lieu dans nos établissements d’accueil, soit 150.000 chaque année, ce qui correspond également à 25% des résidents. Evidemment, il n’y a rien de surprenant à cela, lorsque l’on accueille une population ayant 87 ans de moyenne d’âge en perte d’autonomie, et que 84% de ces décès concernent les plus de 65 ans…

 

Ces données précises ne sont disponibles pour l’instant que sur le mois de mars 2020, où la hausse de la mortalité nationale s’élève à environ 10% par rapport à mars 2019 (57.441 décès au lieu de 52.011). Mais il faut aussi relativiser ces chiffres, qui étaient en 2019 bien inférieurs à ceux de 2018 (58.641), année où la grippe saisonnière a été particulièrement meurtrière. S’agissant des personnes âgées, la surmortalité au mois de mars se situe entre 10 et 15% par rapport à la mortalité « attendue », et les EHPAD déplorent 7.000 décès, soit 13% du total des décès du mois et une hausse de 12% par rapport à 2019 (mais pas plus qu’en 2018).

Malheureusement, on peut craindre que ces chiffres augmentent sensiblement en avril avec le développement de la pandémie, et on craint une surmortalité de l’ordre de 50% sur l’ensemble de la crise. A titre d’exemple, dans les données de Santé Publique France retraitées par la DREES, on évalue à environ 10% le nombre d’établissements actuellement en « situation critique » (comptabilisant plus de 5 décès depuis le début), la moitié d’entre eux étant concentrés sur l’Ile de France.

Mais il conviendra toujours d’analyser ces données au regard de la mortalité habituelle des établissements comme de la surmortalité de l’ensemble de la population, notamment âgée.

 

COMPARAISONS INTERNATIONALES

 

Avant d’évoquer ces statistiques morbides dans d’autres pays, il convient de préciser que les comparaisons internationales sont peu pertinentes pour l’instant pour plusieurs raisons :

  • Très peu de pays à ce jour disposent d’un décompte spécifique aux établissements d’accueil pour personnes âgées (une dizaine seulement) ;
  • Les modes de calcul diffèrent beaucoup d’un pays à l’autre, sans compter les différences notables de modèles institutionnels de l’accompagnement ;
  • Les politiques développées en matière de tests et de comptabilisation des cas dits confirmés ou suspectés varient aussi sensiblement ;
  • La seule comparaison valable serait celle de la surmortalité mais, comme évoqué supra, ces données ne sont pas encore

Ceci étant posé, la première observation que l’on peut faire est que la France est l’un de ces 10 pays, et qu’elle fait partie de ceux dont les données sont les plus transparentes et précises. On est loin de

« l’omerta » dénoncée par certains médias.

On est aussi loin d’être une exception dans les impacts constatés de la crise sanitaire. En effet, l’European Ageing Network (EAN), fort de ses 10.000 établissements dans 27 pays (et dont pour mémoire la FNAQPA est membre de l’executive board) estime qu’environ 50% des établissements seraient touchés par des décès, soit un chiffre proche de celui constaté en France. Même des pays comme la Suède ou l’Autriche, souvent cités en exemple dans la gestion de cette crise, font ce constat. Et il est d’ailleurs utile de rappeler que, si ces pays ont entamé leur déconfinement, les maisons de retraite y sont toujours fermées aux visites (hors familles avec parcimonie).

Certes, la France est parmi les pays les plus touchés en termes de nombre total de décès. Mais sur le pourcentage de décès constatés en EHPAD, elle se situe plutôt dans la moyenne sur les données disponibles, avec 51% (incluant les décès à l’hôpital). En effet, cette proportion varie de 20% à 72%. Si l’on met à part la singulière Singapour et ses 10 décès totaux dont 2 en établissement (ça fait 20%, mais ce n’est évidemment pas significatif), cette proportion varie donc de 20% (Australie) à plus de 70% (Canada et certaines régions espagnoles), en passant par les 40% du Portugal, les 53% de la Belgique (où 90% des décès en maisons de repos sont classés Covid), 57% en Irlande (incluant, comme nous, les résidences autonomie) et même 63% en Norvège.

L’Italie, dont on dit qu’elle nous précède d’une dizaine de jours dans la crise, ne procède pas à ce décompte. On dispose seulement d’une enquête réalisée en avril auprès de 577 établissements, faisant apparaître un taux de décès de 3,2% en établissements, mais avec des différences marquées entre les régions.

L’Allemagne est aussi un cas particulier, avec un décompte dans un ensemble d’établissements sociaux dans lequel se trouvent également les CHRS ou les prisons, sans détail sur les structures pour personnes âgées. L’ensemble de ces établissements déplore 34% du total des décès dans le pays. Mais elle ne comptabilise officiellement que les cas de Covid avérés par un test en laboratoire. Ce qui pourrait faire évoluer sensiblement les données sur la durée.

On notera également qu’en Espagne, pays fédéral où les régions disposent d’une grande autonomie, ce décompte est fait par les régions, avec des méthodes pas toujours comparables. Les variations de 23% en Catalogne à 70% à Madrid doivent donc être observées avec précaution.

L’Angleterre ne dispose pas non plus de décompte officiel, mais aurait constaté une surmortalité de 100% dans les établissements en avril.

Enfin, à notre connaissance, un seul pays effectue un décompte des décès à domicile. Il s’agit de la Norvège, qui y déplore 1% des décès, contre 63% en établissement (le solde à l’hôpital). Mais on est bien incapables d’en tirer la moindre conclusion…

 

 

CONCLUSION

 

Non, la France n’est pas un cas isolé, un pays qui aurait abandonné ses vieux dans des établissements indignes entourés d’une soi-disant omerta.

Oui, la France des maisons de retraite pleure des personnes, comme toute la France, un peu plus du fait de la fragilité des personnes accueillies, et plus que d’habitude. Cela reste dramatique et inacceptable pour l’ensemble des professionnels qui les accompagnent.

Mais arrêtons de jouer à nous faire peur avec des chiffres bruts sortis de leur contexte, et rappelons qu’à ce jour 98% de nos résidents sont bien vivants.


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