Sous l'effet de la progression continue du nombre de personnes dépendantes et polypathologiques, l'activité des acteurs de la prise en charge à domicile augmente chaque année depuis 2010. Outre une dynamique démographique favorable, la politique volontariste des pouvoirs publics, en particulier la mise en place du PAERPA (Parcours de santé des personnes âgées en risque de perte d'autonomie), a fluidifié le parcours de santé avec l'ambition de maintenir à domicile les seniors le plus longtemps possible. L'activité des SAAD (structures de services d'aide à domicile), des SSIAD (services de soins infirmiers à domicile) et d'HAD (hospitalisation à domicile) ont ainsi respectivement gagné 4%, 0,8% et 4% en 2016, selon les calculs des experts de Xerfi Precepta. Et les opportunités de croissance sont réelles. En raison d'une plus grande stabilité fiscale et réglementaire, le chiffre d'affaires des SAAD devrait ainsi progresser au rythme de 4,5% par an en moyenne entre 2017 et 2020. L'environnement législatif porteur devrait, lui, soutenir l'activité des structures d'HAD (+5% par an sur la même période), d'après nos prévisions. Les perspectives de développement des SSIAD resteront, elles, mitigées (+1% par an sur la période), l'attractivité de ces dernières étant subordonnée à une réforme de la tarification et de leur mode de financement.
En toute logique, le dynamisme et le potentiel de la filière ont attiré une multitude d'opérateurs. A tel point qu'aujourd'hui, 7 000 structures oeuvrent au domicile des seniors, notamment les groupes privés de maison de retraite comme DomusVI, Orpea, Colisée et Le Noble Age qui ont multiplié les acquisitions dans ce domaine. Mais les défis à venir pour les professionnels de la dépendance sont nombreux et tous ne pourront pas les relever. En réalité, l'écart va se creuser au profit de ceux qui sauront profiter de la fragmentation du secteur, du PAERPA et du numérique, de l'avis des experts de Xerfi Precepta.
D'abord, les acteurs devront en effet tirer parti de la fragmentation du secteur. Malgré la présence de grands groupes privés d'EHPAD et de cliniques, il est en effet très atomisé. Dispersée, l'offre est de fait portée par un grand nombre de petits opérateurs, des structures privées non lucratives (associations ou mutuelles) ou publiques, dont le champ d'intervention est souvent local. Cette hyperfragmentation des activités du domicile pénalise à l'évidence la coordination des acteurs lors de leurs interventions mais offre des opportunités de rachat aux grands groupes privés.
S'insérer dès à présent dans le PAERPA est le deuxième défi à relever. Faire partie de cet écosystème permet en effet de gagner en visibilité vis-à-vis de l'ensemble des membres, entre autres de potentiels apporteurs d'affaires / prescripteurs. C'est aussi un bon moyen pour capitaliser sur un effet d'expérience et ne pas accumuler de retard par rapport à la concurrence.
Les professionnels devront également faire face à la concurrence des résidences seniors, lesquelles constituent des substituts de taille aux prises en charge à domicile des seniors dépendants dans la mesure où elles ont gagné en crédibilité et en reconnaissance auprès des personnes âgées désireuses d'éviter ou de retarder leur placement en maison de retraite. Cette concurrence est d'autant plus vive que le parc de résidences seniors se développe rapidement (près de 6 000 nouveaux logements par an) et que cette offre d'hébergement est en phase avec les revenus des seniors.
A l'instar d'autres marchés, celui de la prise en charge à domicile est aussi impacté par la révolution numérique. Les outils numériques (systèmes d'information en tête) sont en effet stratégiques pour une activité caractérisée par sa complexité et la nécessité de coordination d'acteurs variés. Ils constituent ainsi des leviers pour améliorer l'efficience, l'efficacité économique, la qualité et la sécurité des soins. Mais les coûts liés aux systèmes d'information (acquisition, mise en oeuvre, formation à leur utilisation, etc.), l'absence de produits standards adaptés (logiciels et équipements) et la difficile informatisation du domicile demeurent souvent rédhibitoires. Les acteurs du domicile, en particulier les plus petits d'entre eux, composent ainsi parfois avec des dossiers patients morcelés, une multiplication des saisies ou encore des outils de gestion peu performants. Ainsi, alors que les systèmes d'information devraient être une ressource stratégique pour les professionnels, leur déploiement parfois limité est un obstacle à la quête d'efficience de certains établissements.
Déjà importante, l'intensité concurrentielle va monter d'un cran à l'horizon 2020, de l'avis des experts de Xerfi Precepta. Les rivalités entre acteurs vont en effet s'accroître en raison des stratégies de diversification des grands groupes présents en amont de la filière. Sans oublier la concurrence croissante des résidences seniors et la menace de nouveaux entrants. Les grands groupes privés d'EHPAD ont de fait tout intérêt à participer à la poursuite de la consolidation des activités du domicile. Cette diversification leur permet en effet de s'imposer sur l'ensemble du parcours de soins et de devenir une référence dans l'orientation des patients entre les différentes solutions d'accueil à leur disposition. En clair, plus complexes à gérer et moins rentables que l'exploitation d'EHPAD, les activités du domicile permettent d'avoir un portefeuille de prospects et de clients pour les résidences médicalisées. Déjà au chevet des personnes âgées en cliniques SSR (soins de suite et de réadaptation), Orpéa peut par exemple plus facilement orienter ses patients qui ne peuvent rentrer chez eux vers ses maisons de retraite.
Auteur de l'étude : Cathy Alegria
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