L'EHPAD Jacques Bonvoisin lauréat du Prix Millésim'ÂGE 2020

la maison de retraite médicalisée Jacques Bonvoisin (Dieppe) récompensée pour sa démarche sur la fin de vie

Publié le 08 octobre 2020

Chaque année, la FNADEPA décerne un prix pour récompenser les initiatives innovantes menées par les établissements et services pour personnes âgées. C'est sur le thème

« Éthique et vieillissement » que les candidats étaient invités à participer en 2020. Et c'est pour son travail associant résidents et salariés, consacré à la fin de vie, que la maison de retraite médicalisée Jacques Bonvoisin a été récompensée.

La fin de vie : et si ensemble on en parlait ?

L'accompagnement de la fin de vie fait partie du projet d'accompagnement global de la personne en EHPAD, rappelle la Haute Autorité de santé. Les professionnels des établissements ont pour mission d'être aux côtés des personnes âgées et de leurs proches dans l'un des moments les plus intimes de leur existence.

À la maison de retraite médicalisée Jacques Bonvoisin de Dieppe, la directrice a proposé aux résidents, aux familles et aux salariés, une réflexion collective sur cette thématique. Objectifs : permettre que chacun se sente moins démuni, libérer la parole et trouver des solutions ensemble pour un accompagnement au plus près des besoins.

Tout au long de l'année, groupes de paroles, groupes de travail, sessions de formation et représentation théâtrale se sont succédé permettant à tous d'échanger librement, de réfléchir à des propositions concrètes répondant aux besoins et permettant d'améliorer les pratiques, ou encore d'acquérir des repères législatifs.


« L'accompagnement de la fin de vie fait partie du projet d'accompagnement global de la personne en EHPAD. »

La Haute Autorité de santé rappelle que les professionnels des établissements ont pour mission d’être aux côtés des personnes âgées et de leurs proches dans l’un des moments les plus intimes de leur existence. Comment abordent-ils le sujet ? Comment y sont-ils préparés ? De quoi ont besoin les résidents et leur famille ? Comment ces derniers appréhendent-ils l’inéluctable séparation ?

À la maison de retraite médicalisée Jacques Bonvoisin de Dieppe, la directrice a proposé aux résidents, aux familles et aux salariés, une réflexion collective sur la fin de vie. Objectifs : permettre que chacun se sente moins démuni, libérer la parole et trouver des solutions ensemble pour un accompagnement au plus près des besoins.

Lancée en avril 2019, la démarche s’est déroulée en quatre étapes :

 

  • des groupes de parole. Intitulés « Et si ensemble on parlait de la mort ? » et animés par un anthropologue, ces groupes ont réuni salariés et résidents, et permis d’échanger librement sur un sujet à forte teneur émotionnelle.
  • des groupes de travail. Sur les thèmes ayant émergé en groupes de parole, les salariés et les résidents ont été amenés à réfléchir à des propositions concrètes répondant aux besoins de chacun et permettant d’améliorer les pratiques.
  • deux sessions de formation. Elles ont permis d’acquérir des repères législatifs et d’apprendre à se positionner pour répon- dre aux besoins des résidents. Et parce que l’accompagnement de la fin de vie ne concerne pas seulement les soignants, tous les professionnels ont été invités à participer : infirmières, AMP,ASL, animateur, personnels administratifs…
  • une représentation théatrale intitulée « Gaston la bana- ne », par la compagnie La Magouille. En février 2020, les salariés, les familles, les résidents, mais aussi les partenaires de l’établissement, les financeurs du projet, les acteurs de santé du territoire sont conviés à assister à une représentation de marionnettes où le sujet de la mort est abordé avec ten- dresse et humour.

Retour sur une aventure humaine d’une incroyable richesse, à travers les témoignages des participants.



LE PROJET

Marie-Odile Vincent, directrice de l’établissement Jacques Bonvoisin. Psychologue de formation, elle travaille depuis plusieurs années dans le secteur médico-social.

Pourquoi ce projet ?

En EHPAD, il existe deux grands tabous : la mort et la sexualité. J’ai décidé d’aborder le premier d’entre eux, avec la volonté à la fois d’assurer un accompa- gnement de qualité aux résidents en fin de vie et d’al- léger les équipes confrontées à la mort de manière fréquente. Il est lourd psychiquement, pour un salarié, de rentrer chez lui en ayant le sentiment de n’avoir pas su accompagner une fin de vie le mieux possible. À l’inverse, un accompagnement réussi, c’est-à-dire personnalisé, répondant aux besoins du résident, ap- porte un grand réconfort à la fois aux professionnels et aux familles.

 

Vous avez la conviction que la mort ne peut pas être gérée tout seul. Pourquoi ?

La mort est lourde à porter seul. Nos représentations, nos croyances dans un au-delà ou non, nos cicatrices liées à la perte d’un proche nous laissent souvent bien isolés. Les professionnels dans nos établissements ne doivent pas être laissés seuls, de même que les rési- dents. L’être humain est un animal social qui se nourrit d’échanges et organise la vie autour de rituels. L’EHPAD est une microsociété. Pour choisir les rituels qui ont du sens, à l’intérieur de cette microsociété, il faut prendre le temps de se réunir et de parler. Lors d’une réunion de transmission, un décès peut être considéré parfois comme une simple information. Nous avons décidé, en Copil, de faire de la mort un sujet à part entière et de libérer la parole. C’est ainsi qu’est né le projet. La présence d’un anthropologue, qui a une solide connais- sance de la vie des EHPAD, avait tout son sens. Inviter des résidents et des salariés, tous métiers confondus, à des groupes de parole a envoyé deux messages qui ont structuré la démarche :

Chacun a une place d’égale importance dans l’ac- compagnement de fin de vie. Les rôles sont différents, certes, souvent complémentaires, mais aucun n’est plus important qu’un autre. Tous concourent au même objectif de bienveillance.

La frontière entre résidents et salariés sur ce sujet a peu de sens. Partager cette expérience humaine en- semble nous rend plus forts, plus pertinents dans nos actes et plus justes dans nos savoir-être.

 

Comment les groupes de parole et de travail ont-ils été composés et y a-t-il eu des difficultés ?

Sur la base du volontariat, avec des invités comme le médecin et l’infirmière des équipes mobiles de soins palliatifs, avec lesquels nous travaillons très bien. Laura Gaillard, l’animatrice, a invité les résidents tandis que les professionnels se sont inscrits aux groupes. Si j’en crois le nombre de participants, j’en déduis que cet espace de parole et de réflexion a répondu à un réel besoin et qu’Aline Frenois, la consultante qui a animé toutes les étapes de la démarche, était la bonne per- sonne pour nous accompagner sur ce projet.

Nous pouvions imaginer que les personnes soient réti- centes à évoquer le sujet. Ça a été le cas pour certaines mais c’est resté rare. Pour une grande majorité, en re- vanche, cette initiative a été bienvenue. La parole s’est déliée et, étonnamment, le rire s’est invité dans les dis- cussions. Notre société offre peu d’occasions de parler de la mort. L’EHPAD peut être un lieu ressource pour cela.

 

Quels sont les bénéfices de la démarche ?

La démarche a débouché sur des apports concrets : un protocole « fin de vie » a été coécrit par les équipes et s’impose désormais à tous. Vingt salariés auront été formés cette année, et d’autres formations sont prévues en 2020. Nous avons choisi ensemble des rituels pour informer et rendre hommage aux résidents décédés. Enfin, nous avons affirmé un droit à l’émotion. Il est nor- mal de ressentir et de partager une émotion sans que cela soit considéré comme non professionnel.

Je souhaite aussi témoigner du plaisir qu’ont eu les équipes à travailler ensemble et la solidarité induite par cette mise en commun. Les lignes ont bougé, même s’il est difficile d’objectiver cela. Les tâches ont tendance à séparer les équipes de soins et les équipes des services logistiques. La démarche a prouvé que nous participons tous à la même mission qui est de prendre soin des résidents et que les résidents ont aussi leur mot à dire sur ce qu’ils attendent de nous. Si je devais résumer, je dirais que nous sommes passés d’une situation où la mort était subie par chacun, dans son coin, ou partagée rapidement avec des collègues, à une situation où chacun se sent libre d’évoquer la mort. La spontanéité et les rituels sont nos nouveaux outils pour affronter collectivement la mort. Ce qui me rend fière, c’est qu’à travers ce travail, nous avons progressé sur notre façon de personnaliser tous nos accompagnements et d’agir ensemble



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